mardi 28 septembre 2010

LA PÉRICHORÈSE LITURGIQUE par l'Archimandrite Basile du monastère d'Iviron

Un beau texte de l'Archimandrite Basile du Saint Monastère d'Iviron (ex archimandrite du saint monastère de Stavronikita) sur la liturgie.


"Tu n'es pas isolé ni séparé des autres hommes et du reste du monde. Tu n'es pas enfermé dans la prison de l'espace. Tu n'es pas asphyxié par la condamnation du temps. Ta vie n'est pas un verre d'eau qui si tu le bois te laisse aussi assoiffé qu'avant, et si tu ne le bois pas va croupir devant tes yeux. Tu n'es pas une partie mécanique d'un tout sans fin, ni un individu dans une foule anonyme. Le Maitre de la vie a brisé les serrures de l'existence mécanique.
Tu es un membre organique d'un mystère théantropique. Tu as un service concret, petit, infime, par lequel tu communies avec le tout. Dans ton être, dans ton caractère, est récapitulé et agit le mystère de la vie. Tu es image de Dieu. Tu ne vaux pas par ce que tu as, mais par ce que tu es. Tu es frère de Dieu. Nous entrons tous ainsi dans la fête des premiers-nés.
Tu connais dans la texture même de ta personne, dans la structure de ton être, le Dieu qui domine l'univers. Tu Le vois marcher. Tu discernes Ses traces dans ton insatiable soif de vie et dans ton amour. Ton combat pour parvenir à Lui est la vision même de Sa face. C'est ainsi qu'est fait ton être.
La Liturgie n'est pas une simple prédication. Elle n'est pas une audition. Elle n'est pas un spectacle. La Liturgie ne vieillit jamais. Ce qu'elle donne à boire ne s'épuise pas. Nul ne peut dire qu'il l'a apprise ou qu'il s'est accoutumé à elle, parce qu'il lui est arrivé une fois de la comprendre, ou parce qu'il lui est arrivé une fois d'être emporté par son attraction.
Les fidèles ne suivent pas en auditeurs ou en spectateurs quelque chose qui les émeut plus ou moins. Les fidèles participent à la Divine Liturgie. C'est dans chaque fidèle, et dans l'assemblée liturgique, qu'est célébré le mystère. Nous ne voyons pas le Christ hors de nous, nous Le rencontrons en nous. Le Christ se forme en nous. Les fidèles deviennent des Christs par la grâce.
Il se fait ici par la grâce une merveilleuse périchorèse et une identification sans confusion. L'homme tout entier, corps et esprit, entre dans le monde simple de la grâce trinitaire incréée. Et en même temps il reçoit en lui le Christ avec le Père et l'Esprit. Dieu tout entier s'offre à l'homme, Il fait en lui sa demeure. Et l'homme tout entier s'offre à Dieu: «confions-nous nous-mêmes, les uns les autres, et toute notre vie, au Christ notre Dieu ». « Dieu uni à des dieux et connu par eux ».
Voir le Christ au dehors, objectivement, L'aimer sans repentir, pleurer par compassion comme les filles de Jérusalem, mène au sentimentalisme instable, extérieur à la Liturgie. Au contraire, la hiérurgie liturgique, par son calme, permet la conduite et le comportement orthodoxes justes: la tendresse douloureuse. Ni la joie ne rit aux éclats et ne blesse l'affligé, ni la peine n'accable et ne désespère le faible. Partout règne la tendresse douloureuse qui secrètement, inépuisable console, réjouit, réconcilie tous les hommes.
Autre est le sentimentalisme humain, et autre la douloureuse tendresse liturgique. L'un est une excitation épidermique et un tourment biologique, l'autre cloue l'homme et le console, révélant aux frontières de l'existence notre nature pareille à Dieu : quelque chose qui te charge d'un lourd devoir et en même temps te donne les ailes d'une invincible espérance.
L'homme, dans ses profondeurs inconnues, cache un trésor divin.
Quand il est en souci, il n'est jamais déçu dans l'Eglise. Et quand il se réjouit, il n'est pas troublé par le moindre désordre. La tristesse et la joie servent liturgiquement. Elles sont pareillement hiératiques. Elles ont la même pudeur dans leur apparence et dans leur mission. Car l'une et l'autre peuvent conduire le fidèle à la consolation du Royaume.
Se lèvent ici des possibilités profondes et inconnues que l'homme cache en lui. Tout ce qui est au monde se concentre dans son « âme », ce souffle de la vie, ce souffle passé au feu, que de Ses entrailles Dieu a insufflé en lui."

(in Chant d'entrée ed. Labor et fides-Perspective orthodoxe 1980)

Préparation à la prière : les conseils de St Théophane le reclus

St Théophane le Reclus nous donne d'excellents conseils
 pour nous préparer à la prière.



Pour prier, nous devons tirer vers l'intérieur de telle manière que les deux notre cœur et notre esprit sont absorbés dans le contenu de la prière. Cela signifie que nous devons être très attentifs aux mots mêmes de la prière et mettre de côté toutes les autres pensées.

Il utilise l’analogie suivante : se préparer à prier c’est comme s'asseoir pour écrire une note, un article ou une dissertation. Vous ne vous asseyez pas seulement s'asseoir et vous commencez à écrire. Vous devez d'abord rassembler vos pensées et vous mettre en condition pour cette tâche. Combien plus ce genre de préparation est nécessaire lorsque vous vous asseyez pour la prière.

Il écrit,
"Donc, le matin ou le soir, juste avant de commencer à répéter vos prières, d’abord tenez-vous droit pendant un certain temps, asseyez-vous pendant un moment, ou marchez un peu. Essayez de maintenir votre esprit à l’écart de toutes activités mondaines et de tout objet.

Il nous demande de mettre de côté toutes les pensées que nous avons peut-être mises en branle à propos des problèmes auxquels nous sommes mêlés, des préoccupations qui sont les nôtres au sujet des activités de la journée, ou de tous désaccords que nous pouvons avoir eues avec la famille ou des amis et ainsi de suite. Nous voulons extraire notre esprit de tous les soucis auxquels nous sommes confrontés dans ce monde, donc il peut être soulevé dans notre prière pour le royaume invisible, le ciel lui-même, où l'on trouve Dieu qui nous sommes sur le point d'adresse. 

Il continue ainsi : 
"Après cela, pensez à qui Il est, Lui vers qui vous vous tournez dans la prière. Ensuite, rappelez qui vous êtes... Qui est celui qui est sur le point de commencer cette invocation à Lui dans la prière

Dieu n'est pas moins que votre Créateur et encore plus, comme Il a créé tout ce qui est visible et invisible! Il est tout puissant et Il infiniment d’amour et de patience pour toute sa création. Il veut que tous soient en communion avec lui et que nous l’aimions comme Il nous aime. Lorsque vous vous préparez à partager votre temps avec Lui, pensez à comment vous allez vous préparer pour aller à la rencontre d'une personne très importante qui peut vous apporter une aide dont vous avez besoin pour un projet auquel vous participez. Il faut se concentrer sur les besoins de votre interlocuteur et l'ordre du jour afin que vous puissiez présenter vos besoins de manière qu'il y sera favorable. Eh bien, dans la prière vous êtes face à l'entité la plus puissante connue et vous avez besoin de vous concentrer sur qui Il est. Saint Théophane nous rappelle qu'il n'est pas notre grand-père ou une autre personne du genre. Soyez conscient de qui Dieu est quand vous entrez en prière.

Ensuite, il dit, 
«Faites cela de manière à réveiller dans votre cœur un sentiment d'humilité et de crainte respectueuse, car vous vous tenez en présence de Dieu.
Réfléchissez sur ce que signifie se trouver en présence de Dieu. C'est ce que vous faites dans la prière.

Saint Théophane dit encore, 
"Quand le cœur est conscient et sent la nécessité de la prière, ce cœur attentif lui-même ne laissera pas vos pensées glisser vers d'autres questions. Il va vous forcer à crier au Seigneur dans vos prières. Par-dessus tout, soyez conscient de votre propre impuissance: si ce n'était Dieu, vous seriez perdu Si quelqu'un qui est voué à la catastrophe devait se tenir devant la seule personne qui, en un clin d'œil, pourrait le sauver, regarderait-il çà et là pour son salut. Non, il se prosternerait devant lui et crierait miséricorde. Il en sera donc ainsi, lorsque vous approchez de Lui dans la prière avec la conscience totale du péril et la certitude que nul ne peut vous sauver si ce n’est Dieu. "

Trop souvent nous essayons d'entrer dans la prière sans nous préparer. Nous essayons d’y entrer sans soins ni pensées appropriés de la même façon que nous nous précipitons pour en finir comme s'il s'agissait d'une obligation routinière que nous avons à accomplir..

Saint Théophane dit à ce propos :
"Sans préparation, comment peut-il avoir réunion de la pensée et du sentiment dans la prière? Sans préparation, la prière se déroule en cahotant au lieu de se faire sur des fondements stables .... Une telle attitude négligente envers la prière est un crime, un crime grave, un crime capital. Considérons la prière comme le travail central de votre vie et conservez-la au centre de votre cœur. Accordez-lui le rôle qui lui revient, et non pas un rôle secondaire ! "

Souvenez-vous toujours que Dieu est votre sauveur. Faites preuve de diligence dans l'accomplissement de votre règle de prière et cela vous en tirerez de grands bénéfices lorsque vous vous préparerez bien à cet effort. Travaillez dur car vous trouverez à coup sûr des forces nombreuses qui travailleront pour vous décourager.

Saint Théophane donne enfin cet encouragement : 
"Une fois expérimentée, la prière pure vous donnera du courage et égayera votre vie spirituelle, vous parviendrez à une prière plus attentive, plus subtile, et de plus en plus profonde."